Ce qui reste parfois ( A literary essay ) suite et fin.
J'ouvre une fenêtre au vent. Comme la terre, je suis livré aux courants. La terre, souviens-toi : ce corps frêle qui nous dénudait, cette immense colline offerte à la lumière. Souviens-toi du grondement, de ce qui frémit soudain comme si la vie la plus forte était traversée du plus vulnérable; souviens-toi d'un vol d'oiseau soutenu par le vent et de la grâce nécessaire pour toucher terre.
L'air neuf d'une fin de journée, un corridor élargi par nos pas, le recommencement de l'horizon. Juste cette résonnance des choses, cette infatigable présence en nous.
Ce qui fait défaut n'est peut-être jamais qu'un regard, une passerelle qui va du désir au désir et veille inlassablement sur l'abîme. Je vais t'aimer, poser en toi mon visage. Ces mots viennent parmi ceux d'un soir voué à la douceur, à ce qui nous demande de souffler légèrement sur le monde.
Il faudrait ne plus marcher qu'en soi, à travers ces cavités grises, ces ombres d'un instant, un seul instant, nous avons ajoutés à la pierre. Il faudrait que le bord de la fenêtre soit celui d'une image qui retinne l'émotion et nous reporte au début.
Quelque chose de la vie n'est jamais venu. Savoir de la faille qui ne répare pas. Pour que s'arrête l'effacement, je me tourne vers ton amour. parmi ces nuits que le jour ne précède plus, je pense à toi, à cette cavité grise que tu as glissé en moi. Ce n'est pas la disparition qui étonne, mais cette façon de ne plus l'attendre, alors même qu'on attend encore, parce que toujours la disparition, le manque, sa démesure, .... toujours.
Un silence se fait et se défait. Nous devons veiller sur ce mouvement. Tout remu, expluse et rappelle l'obscurité.
Tu demandes de renouer avec la beauté d'un geste, d'une parole, de franchir ce qui est ainsi tenu à distance de nous. Pour dire où l'on va et qui nous attend, il y a la route qui recommence cette minute.
Le temps continu dans un regard jamais croisé. Je voudrais ne plus respirer qu'à travers lui, qu'à travers toi. Ne plus écrire ce qu'il tait, ce que tu tais.
Qui peut dire ce qui blesse et désole ? Un rythme, un relief, un remous imprévu. On ne sait plus, on est seul, et pourtant on peut encore se pencher sur l'ombre, pressentir un commencement, enfouir son visage dans ses mains.
Un jour au bout des doigts. Toujours chaque événement, chaque muscle qui bouge, chaque miette du temps nous raccompagnent. Cela seul : une salle d'attente, des couloirs de métro, une cabine téléphonique, un début de phrase, le bruit du vent ou d'un avion, une pièce familière. Tout nos désirs, nos espoirs et nos désastres y sont rattachés. Nous sommes ces notations quotidiennes que l'histoire oublie, ces détails balancés du dehors au dedans, ces banales rencontres qui nous amarrent.
Notre corps s'appuie sur une éternité périssable contenu dans l'instant qui vient. Bruissement du monde parmi les bruissements qui vient. Bruissement du monde parmi les bruissements du monde, je n'ai d,autre respiration que celle qui émane d'une particule.
Frémir du plus petit. Ce qui hante et bouleverse se tient le plus souvent au milieu de faits courants et dérisoires : une parole maladroite, un rendez-vous manqué, une lettre jamais reçue, quelque chose de brisé, de perdu, de raté. La répétition nous atteint comme des milliers de chocs qui font battre le coeur.
Ainsi ces mots qui traînent sur la table depuis des mois et m'interroge patiemment : d'où venez-vous ? qui êtes-vous ? où allez-vous ? Ainsi ces phrases délivrées au hasard : que faites-vous ? que dites-vous? L'un de ces moments s'enfonce parfois en nous et c'est avec lui que l'on continu alors à marcher, à écrire, à tendre le bras pour ouvrir la porte de chez soi.
C'est comme un dimanche. Café, journal, cinéma; une à une, les heures passent, puis les semaines, les années. Vivant, on se retrouve sans vie, le monde a toujours ce goût d'effroi. On veille sur le sommeil de l'autre, de cette vie assourdie mais qui ne renonce pas, grince encore, rôde inlassablement tout près, comme en cet instant d'un dimanche adossé au silence où je vais parmis les pas anonymes, percevant soudain la solitude rivée aux regards, partout ce même écho de fragilité, ces morceaux de mort qui, pour un rien, collent à nous.
Grêle qui perce le jour. Il suffit peut-être de se laisser chavirer par un bruit d'eau, de froid, de terre, ce sentir parmi nos désordres les quelques secondes qui se rivent à nous et renversent l'horizon.
Je regarde ces corps chargés d'immensité, trop vastes pour nos mémoires, pour nos gestes qu'enserre la frayeur. Un espace illimité tremble en nous, tenu à l'étroit par ce qui craint de naître mais ne cesse de tarauder la peau.
Quelqu'un ne sépare plus les bords du monde. Quelqu'un parle d'une blessure au fond des choses et de la clarté dissimulée dans une chambre, des halls de gare, une date, un sourire.
On peut très bien vivre sans rien d'autres que ces tendresses journalières ; une carte postale dans la boîte, un bruit de vague, un bleu sur la plaine, les mots d'un poême. L'univers réduit à peu d'attaches au trajet ordinaire de sa propre mort. On peut très bien n'être qu'une aventure d'atomes et de questions dérisoires.
Tu disais : nos vies sont reliées par ces détails qui font nos plaisirs, nos regards incertains. Une sensation commune du temps nous unit à travers l'eau qui bout, une promenade, quelques habitudes, un rire soudain. Chaque chose est une rampe, le long du temps.
Il suffit parfois de peu pour que l'on cesse d'être effrayé par le monde. Des milliers de faits, milles fois nommés demandent que l'on se dresse au-delà de la mort, et tendre la main au passage d'un instant.
Toutes les raisons d'avoir peur ont été dites. Dans les chambres, sur les quais des fleuves, on y retrouve quelquefois les débris de nos blessures.
Un jour on me demandera ce qui me reste. Je n'aurai jamais aimé que toi.
De quelques poussées du coeur, une lumière aura resurgi. Traversée de contraires, je m'y glisserai lentement.
Je n'aurai aimé que toi, cette promesse enfin tenue d'un écho.
Sur les chemins que nous n'aurons pas pris, les saisons se seront renversées. Rien n'aura disparu, ne manqueront ni la forêt, ni les pierres, ni le vide des heures passées sans toi.
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