Je suis toujours là
Voici un texte que m'a fais parvenir un brave être. Le texte n'est pas de moi mais je le présente ici à qui veux le lire.
Je suis toujours là. Enfermé. Je l’observe toujours. Recroquevillé contre le mur de ma prison. Je ne pleure pas, je n’ai pas la force de sangloter. Je me demande même si je suis triste. Maintenant, ma vie est marginale. Tout ce qui me reste, c’est ce que vous lisez à l’instant. Vous vous demandez peut-être ce qui s’est passé? Ne vous inquiétez pas, je n’ai rien de mieux à faire que de vous le raconter…
À ma naissance, je fus aimé et choyé. Bien que mes parents étaient très pauvres, nous vivions tout de même confortablement. Par contre, je ne voyais presque jamais mon père. Le jour, il travaillait comme concierge au bureaux du gouvernement, et la nuit, il quittait hâtivement la maison pour se rendre dans un endroit connu de lui et des quelques personnes qu’il y rencontrait exclusivement. Chaque matin, il voyait la curiosité me ronger ardement, alors, pour assouvir cette soif, il me racontait ce qui s’était passé ce jour là. J’étais très jeune alors je n’y compris presque rien, mais maintenant, je sais de quoi il s’agit. Vous, bien sur, vous ne devriez point le savoir, puisque c’est précisément pour cette raison que ma vie est si horrible. Alors que je fêtais mes 8 ans, mon père avait demandé une journée de congé pour pouvoir me tenir compagnie. Or, je voyais bien qu’il semblait préoccupé par tout autre chose. Il agitait fébrilement les doigts et ses yeux reflétaient l’étendue de sa crainte. Une fois la fête avec terminée, et tout mes amis partis, je pris la direction de ma chambre pour m’y coucher. Mon père me suivit et vint s’asseoir à mes cotés. Il m’enlaça et me murmura à l’oreille: «Anilasir, souviens t’en, c’est tout ce qu’il te restera.» Je le regardai sans comprendre la signification de sa phrase, mais il ne répondit pas au questionnement silencieux de mon regard. Il referma la porte derrière lui sans faire de bruit et descendit les escaliers. C’était la dernière fois que je le voyais. Le matin, lorsque je me réveillais, je n’était plus dans une chambre. J’étais allongé sur le plancher dans une cellule sombre, au murs de béton. Ils appelaient cela : l’Isolation. Pendant des années, tout ce qui me fut donné de voir, c’était le repas qui m’était glissé dans une fente de la lourde porte de fer. Pendant des années, je ne vit aucun visage. Pendant des années, je n’eu personne a qui parler. Pendant des années, je fixai le loquet de la porte pour voir si quelqu’un viendrait me chercher. Apparemment, ce ne fut pas le cas. Le seul moment ou on me traînait à l’extérieur de ma cellule, c’était pour m’asseoir dans une chaise de bois, éblouit. J’étais, à chaque fois, interrogé par une voix gutturale. Je ne vit jamais le visage de mon interlocuteur. Il semblait empli d’une haine immarcescible. Était-ce lui qui m’octroyait ma subsistance? Non. Il semblait être le personnage le plus cruel aux alentours. Mais il y avait une autre personne. Celle-ci, je n’avais aucune idée de la nature de ses sentiments. Je ne voyais que ses mains, un stylo et un calepin. À chaque fois que je bégayais une réponse fictive aux questions qui m’étaient posées, elle griffonnaient frénétiquement sur le calepin. J’aurais tué pour savoir ce qu’il écrivait. Après des heures d’interrogation, ils me retournaient dans ma cellule. Mes yeux étaient toujours secs, et des veines dilatées saillaient tout au long de mes bras. J’était vêtu d’une chemise grise, déchirée, et d’un short de même nature. Ma vie semblait être un interminable enfer. Mais un jour, tout changea. Ma cellule eu la chance d’accueillir quelqu’un d’autre que moi. C’était un vieil homme. On avait brusquement ouvert la porte et on l’avait jeter dans ma cellule. Il devait avoir environ soixante ans. Je le regardait chaque jours, lui, avait toujours un œil rive sur moi. Il semblait plongé dans ses pensées, tentant de fuir ce monde horrible. Je le fixais intensément. Aussitôt, je su que cet homme n’était pas comme les autres. Son œil était complètement noir. Je le regardais, cette ombre ronde lui donnait une apparence méphistophélique. Il me dévisageais, j’avais l’impression que ses yeux perçaient ma chair. Avec une telle apparence, j’avais la certitude qu’il pourrait transiter lors du jugement dernier. Curieusement, il ne dormait jamais, et ne subissait aucune interrogation. Moi non plus d’ailleurs. Le plus curieux dans tout cela, c’était qu’il ne mangeait pas. Étions-nous toujours vivant? Était-je en enfer? Qui était cet étrange homme? Plusieurs semaines plus tard, je le compris. Alors que je mangeait ma ration, j’avais pris l’habitude de lui parler de tout et de rien, même s’il ne m’écoutait pas. Alors en prenant une bouchée de pain sec, je lui dis :
-Il se passé des choses étranges ici. Mais où allons-nous?
Et il répondit gravement :
-Vers l’inéluctable échec qui nous sert de quotidien.
Je le regardais, incrédule. C’était la première fois qu’il daignait ouvrir la bouche depuis des semaines! (si ma notion de temps était bonne) Et il n’avait toujours pas mangé! Je bégayais quelques secondes, cherchant mes paroles, quand un craquement sourd retentit. J’étais affolé, mes yeux cherchaient la provenance de ce bruit, et tout ce qu’ils rencontraient était ce vieil homme énigmatique à l’œil sombre. Des bruits de pas résonnèrent dans le long couloir. Je sommait le vieil homme de ne rien dire, de les laisser passer, mais c’était inutile. Les pas s’étaient arrêtés. Devant notre cellule. Le loquet tourna lentement, dans un grincement strident, et retomba lourdement. La personne derrière la porte repoussa celle-ci lentement, je serrai les dents, convaincu de voir arriver la fin de la seule amitié qui m’ai été donnée. Mais lorsque le personnage se montra, je n’en fut que plus surpris. Il semblait être vêtu d’un luxueux accoutrement. Il observa le vieil homme pendant un instant. Puis, souriant, il referma la lourde porte. Je fu profondément soulagé que le garde soit parti. Alors, regardant le viel homme, je lui dis:
-Toi et moi, c’est pour le reste de nos jours on dirait.
Il ne dit rien, mais je sentais qu’il approuvait. Passé ce jour, je partageais tout avec lui. Je déposais un peu de ma ration sur son col, même s’il n’y touchait jamais. Pour moi, c’était devenu une sorte de rituel. Je lui racontais régulièrement tout ce que je me souvenais de mon père, tout les précieux secrets qu’il m’avait communiqué. Moi et le Viel homme ne faisions plus qu’une seule conscience. Je partageait toute les informations qui me revenaient à l’esprit avec lui. En fait, tout ce qu’il me restait dans ce monde, pouvait être décrit par un mot:
«Souvenirs.»
C’est pour cela que je ne disais jamais rien à mes interrogateurs. Parce que je voulais conserver la seule partie de moi-même qui m’appartenait encore. Mes pensées et mes secrets. Ma vie avec mon père. Puis un jour, après avoir parlé longuement des mets que ma mère me préparait lorsque je rentrais le soir, je pris la décision de lui parler de mon grand secret. La chose qui était la plus limpide à mon esprit. Après avoir pris une grande respiration, je lui dis:
-Je vais te dire mon grand secret. Mon père m’a demander de ne jamais le dire, mais je crois que tu es la seule personne digne de confiance dans ce bas monde…
Je lui expliquai donc comment s’était passé ma soirée avec mon père et mes amis, et lorsqu’il m’avait dit:
-«Anilasir, souviens t’en, c’est tout ce qu’il te restera.» Aujourd’hui, je ne comprends toujours pas ce qu’il voulait dire, mais un jour, ensemble, nous le découvrirons, et jamais nos tortionnaires n’auront la chance d’entendre ce précieux secret.
Presque instantanément, des bruits de bottes martelant le sol se firent entendre. La porte s’ouvrit d’un coup, et un officier en costard entra dans la pièce. Il attrapa le Viel homme par les cheveux, et passa la main derrière sa tête. Il semblait chercher quelque chose, mais le rictus colérique qu’affichait son visage laissait entendre qu’il ne trouvait pas ce qu’il cherchait. Après quelques secondes d’acharnement, l’officier décocha un solide coup de pied dans la tempe du Viel homme. Je contemplais, horrifié, la tête du vieillard frapper le sol, et dans un craquement sourd, tout son contenu se répandit sur le sol. Mais pas une goutte de sang ne tomba. Au lieu de cela, des dizaines de puces et de fils électriques se dispersèrent partout sur le sol rugueux. L’officier déchira le tissu rose qui servait de peau, et, de derrière l’unique œil du Viel homme, il sortit une minuscule disquette. Il me gratifia d’un sourire satisfait, et quitta la pièce.
Je suis toujours là. Enfermé. Je l’observe toujours. Recroquevillé contre le mur de ma prison. Je ne pleure pas, je n’ai pas la force de sangloter. Je me demande même si je suis triste. Maintenant, ma vie est marginale. Il ne me reste plus qu’à attendre.
À ma naissance, je fus aimé et choyé. Bien que mes parents étaient très pauvres, nous vivions tout de même confortablement. Par contre, je ne voyais presque jamais mon père. Le jour, il travaillait comme concierge au bureaux du gouvernement, et la nuit, il quittait hâtivement la maison pour se rendre dans un endroit connu de lui et des quelques personnes qu’il y rencontrait exclusivement. Chaque matin, il voyait la curiosité me ronger ardement, alors, pour assouvir cette soif, il me racontait ce qui s’était passé ce jour là. J’étais très jeune alors je n’y compris presque rien, mais maintenant, je sais de quoi il s’agit. Vous, bien sur, vous ne devriez point le savoir, puisque c’est précisément pour cette raison que ma vie est si horrible. Alors que je fêtais mes 8 ans, mon père avait demandé une journée de congé pour pouvoir me tenir compagnie. Or, je voyais bien qu’il semblait préoccupé par tout autre chose. Il agitait fébrilement les doigts et ses yeux reflétaient l’étendue de sa crainte. Une fois la fête avec terminée, et tout mes amis partis, je pris la direction de ma chambre pour m’y coucher. Mon père me suivit et vint s’asseoir à mes cotés. Il m’enlaça et me murmura à l’oreille: «Anilasir, souviens t’en, c’est tout ce qu’il te restera.» Je le regardai sans comprendre la signification de sa phrase, mais il ne répondit pas au questionnement silencieux de mon regard. Il referma la porte derrière lui sans faire de bruit et descendit les escaliers. C’était la dernière fois que je le voyais. Le matin, lorsque je me réveillais, je n’était plus dans une chambre. J’étais allongé sur le plancher dans une cellule sombre, au murs de béton. Ils appelaient cela : l’Isolation. Pendant des années, tout ce qui me fut donné de voir, c’était le repas qui m’était glissé dans une fente de la lourde porte de fer. Pendant des années, je ne vit aucun visage. Pendant des années, je n’eu personne a qui parler. Pendant des années, je fixai le loquet de la porte pour voir si quelqu’un viendrait me chercher. Apparemment, ce ne fut pas le cas. Le seul moment ou on me traînait à l’extérieur de ma cellule, c’était pour m’asseoir dans une chaise de bois, éblouit. J’étais, à chaque fois, interrogé par une voix gutturale. Je ne vit jamais le visage de mon interlocuteur. Il semblait empli d’une haine immarcescible. Était-ce lui qui m’octroyait ma subsistance? Non. Il semblait être le personnage le plus cruel aux alentours. Mais il y avait une autre personne. Celle-ci, je n’avais aucune idée de la nature de ses sentiments. Je ne voyais que ses mains, un stylo et un calepin. À chaque fois que je bégayais une réponse fictive aux questions qui m’étaient posées, elle griffonnaient frénétiquement sur le calepin. J’aurais tué pour savoir ce qu’il écrivait. Après des heures d’interrogation, ils me retournaient dans ma cellule. Mes yeux étaient toujours secs, et des veines dilatées saillaient tout au long de mes bras. J’était vêtu d’une chemise grise, déchirée, et d’un short de même nature. Ma vie semblait être un interminable enfer. Mais un jour, tout changea. Ma cellule eu la chance d’accueillir quelqu’un d’autre que moi. C’était un vieil homme. On avait brusquement ouvert la porte et on l’avait jeter dans ma cellule. Il devait avoir environ soixante ans. Je le regardait chaque jours, lui, avait toujours un œil rive sur moi. Il semblait plongé dans ses pensées, tentant de fuir ce monde horrible. Je le fixais intensément. Aussitôt, je su que cet homme n’était pas comme les autres. Son œil était complètement noir. Je le regardais, cette ombre ronde lui donnait une apparence méphistophélique. Il me dévisageais, j’avais l’impression que ses yeux perçaient ma chair. Avec une telle apparence, j’avais la certitude qu’il pourrait transiter lors du jugement dernier. Curieusement, il ne dormait jamais, et ne subissait aucune interrogation. Moi non plus d’ailleurs. Le plus curieux dans tout cela, c’était qu’il ne mangeait pas. Étions-nous toujours vivant? Était-je en enfer? Qui était cet étrange homme? Plusieurs semaines plus tard, je le compris. Alors que je mangeait ma ration, j’avais pris l’habitude de lui parler de tout et de rien, même s’il ne m’écoutait pas. Alors en prenant une bouchée de pain sec, je lui dis :
-Il se passé des choses étranges ici. Mais où allons-nous?
Et il répondit gravement :
-Vers l’inéluctable échec qui nous sert de quotidien.
Je le regardais, incrédule. C’était la première fois qu’il daignait ouvrir la bouche depuis des semaines! (si ma notion de temps était bonne) Et il n’avait toujours pas mangé! Je bégayais quelques secondes, cherchant mes paroles, quand un craquement sourd retentit. J’étais affolé, mes yeux cherchaient la provenance de ce bruit, et tout ce qu’ils rencontraient était ce vieil homme énigmatique à l’œil sombre. Des bruits de pas résonnèrent dans le long couloir. Je sommait le vieil homme de ne rien dire, de les laisser passer, mais c’était inutile. Les pas s’étaient arrêtés. Devant notre cellule. Le loquet tourna lentement, dans un grincement strident, et retomba lourdement. La personne derrière la porte repoussa celle-ci lentement, je serrai les dents, convaincu de voir arriver la fin de la seule amitié qui m’ai été donnée. Mais lorsque le personnage se montra, je n’en fut que plus surpris. Il semblait être vêtu d’un luxueux accoutrement. Il observa le vieil homme pendant un instant. Puis, souriant, il referma la lourde porte. Je fu profondément soulagé que le garde soit parti. Alors, regardant le viel homme, je lui dis:
-Toi et moi, c’est pour le reste de nos jours on dirait.
Il ne dit rien, mais je sentais qu’il approuvait. Passé ce jour, je partageais tout avec lui. Je déposais un peu de ma ration sur son col, même s’il n’y touchait jamais. Pour moi, c’était devenu une sorte de rituel. Je lui racontais régulièrement tout ce que je me souvenais de mon père, tout les précieux secrets qu’il m’avait communiqué. Moi et le Viel homme ne faisions plus qu’une seule conscience. Je partageait toute les informations qui me revenaient à l’esprit avec lui. En fait, tout ce qu’il me restait dans ce monde, pouvait être décrit par un mot:
«Souvenirs.»
C’est pour cela que je ne disais jamais rien à mes interrogateurs. Parce que je voulais conserver la seule partie de moi-même qui m’appartenait encore. Mes pensées et mes secrets. Ma vie avec mon père. Puis un jour, après avoir parlé longuement des mets que ma mère me préparait lorsque je rentrais le soir, je pris la décision de lui parler de mon grand secret. La chose qui était la plus limpide à mon esprit. Après avoir pris une grande respiration, je lui dis:
-Je vais te dire mon grand secret. Mon père m’a demander de ne jamais le dire, mais je crois que tu es la seule personne digne de confiance dans ce bas monde…
Je lui expliquai donc comment s’était passé ma soirée avec mon père et mes amis, et lorsqu’il m’avait dit:
-«Anilasir, souviens t’en, c’est tout ce qu’il te restera.» Aujourd’hui, je ne comprends toujours pas ce qu’il voulait dire, mais un jour, ensemble, nous le découvrirons, et jamais nos tortionnaires n’auront la chance d’entendre ce précieux secret.
Presque instantanément, des bruits de bottes martelant le sol se firent entendre. La porte s’ouvrit d’un coup, et un officier en costard entra dans la pièce. Il attrapa le Viel homme par les cheveux, et passa la main derrière sa tête. Il semblait chercher quelque chose, mais le rictus colérique qu’affichait son visage laissait entendre qu’il ne trouvait pas ce qu’il cherchait. Après quelques secondes d’acharnement, l’officier décocha un solide coup de pied dans la tempe du Viel homme. Je contemplais, horrifié, la tête du vieillard frapper le sol, et dans un craquement sourd, tout son contenu se répandit sur le sol. Mais pas une goutte de sang ne tomba. Au lieu de cela, des dizaines de puces et de fils électriques se dispersèrent partout sur le sol rugueux. L’officier déchira le tissu rose qui servait de peau, et, de derrière l’unique œil du Viel homme, il sortit une minuscule disquette. Il me gratifia d’un sourire satisfait, et quitta la pièce.
Je suis toujours là. Enfermé. Je l’observe toujours. Recroquevillé contre le mur de ma prison. Je ne pleure pas, je n’ai pas la force de sangloter. Je me demande même si je suis triste. Maintenant, ma vie est marginale. Il ne me reste plus qu’à attendre.
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